Le recueil 40 pages - 10 €
La version pdf, 3 euros
Recension d'Hélène Bouchard
Un véritable album photos de voyage au Québec ces 43 haïkus de Dominique Chipot.
À travers ces lignes, on l’imagine tantôt derrière l’appareil photo, tantôt devant, personnage discret auquel le lecteur peut s’identifier pour vivre lui-même ce parcours.
Le tout débute avant l’aube. Entre l’inévitable déchirure du départ et l’arrivée en terre québécoise, des observations fines au lever du jour, de l’humour au contrôle de sécurité, le décalage horaire et une première nuit blanche. Le voyageur se pose enfin, fait le vide ou le plein.
assis en terrasse
suivre le calme
de la rivière
Montréal se découvre sous la brume, puis par de petites scènes banales « croquées sur le vif » qui se seraient sûrement évaporées sans cette attention à l’instant présent, cette sensibilité, cette aisance à les rendre inoubliables par la justesse des mots choisis pour les haïkus.
Tout doucement, on quitte la métropole et voilà l’adulte qui se retrouve enfant,
sortie photo
entre deux épouvantails
mon portrait
mouvement d’air
l’ours dans les nuages
devient un mouton
voyageur contemplatif,
souffle du vent
le soleil ondule
sur la rivière
amoureux exprimant dans le non-dit son ennui de l’être cher.
loin des yeux
je cherche son visage
dans les nuages
Le voyage se poursuit dans la région de la Côte-Nord où l’auteur réunit de façon très habile, très sensuelle, deux univers si éloignés géographiquement.
ici aussi,
un morceau de fromage
et un verre de vin
Le regard du haïkiste se porte sur les épinettes, le fleuve, un cerf-volant, ou encore une peintre et ses toiles, les sens en éveil, toujours sollicités par de nouveaux horizons. Il y a aussi ces temps d’arrêt, d’intériorisation, où le haïku se fait méditation.
marée descendante
les bancs de sable
s’agrandissent
Déjà le trajet de retour avec un arrêt dans Charlevoix. Jaillit alors le haïku le plus fort, le plus évocateur de cette suite.
Port-au-Persil.
J’aimerais vivre ici
ma dernière maladie
Quel magnifique hymne à la vie, à la beauté! Parler de vivre et taire le mot mourir, laisser deviner la fragilité de l’existence. Un haïku de plénitude, de sérénité, d’infinitude, inspiré par un lieu où le temps semble s’être arrêté. Dominique Chipot a rejoint en trois lignes l’essence du poème de Sabine Anctil écrit sur ce village.
J'ai fait le tour de Charlevoix.
Quand le tour fut fait, me restait le détour
se glissant entre montagne et fleuve.
De la montagne, je voyais le fleuve,
et de là, l'essentiel:
paix du temps, lenteur des voitures d'eau,
vents et marées transportant le silence.
Je sentais la fraîcheur d'une rosée,
l'affolement des fleurs, mais aussi l'audace de la mer,
l'odeur de la terre, la fragilité des étoiles.
Ainsi je goûtais les plaisirs qui jaillissent
de l'enfance, ce temps rond comme l'espoir.
S'arrêter dans cet espace, c'est faire le détour
pour retrouver le temps qui prend son temps.
Mais c'est aussi s'arrêter en soi-même.
Retourner à soi.
S'offrir ce lieu où,
pour un instant, tout recommence.
Dominique Chipot termine son voyage en haïkus par ce clin d’œil aux haïjins québécois.
dans leurs haïkus
ces vastes paysages
grandeur nature
En si peu de mots, on y retrouve toute l’immensité de nos espaces.
«…et ça semble si simple. Une pure merveille!» disait une haïkiste de Sept-Îles, Suzanne Lamarre, après sa lecture de L’ours dans les nuages.
Sans doute L’ours dans les nuages nous laisse-t-il sur cette impression de simplicité parce que l’art du haïku y est si bien maîtrisé, le voyage si bien partagé.
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