KOJIKI 古事記

« Recueil des choses anciennes »

 

C’est la plus vieille chronique du Japon ancien1, un classique de la littérature japonaise, qui relate les événements depuis l’âge mythique des Dieux jusqu’au règne de l’Impératrice Suiko.

 

Le compilateur Ō no Yasumaro 安万侶2 affirme, dans sa préface, que le Kojiki fut remis à l’Impératrice Gemmei 元明天皇3, alors en exercice, le 9 mars 7124. Comme le plus vieux manuscrit retrouvé du Kojiki est une copie, sur rouleau, datée de 1371-72, il est impossible de certifier ce fait. Cependant le Man'yoshū 万葉集5 inclut quelques citations du Kojiki.

 

 

 

 

 

 

 

 

Yasumaro peint par Kikuchi Yosai 菊池容斎

 

 

 

De la rivière Saï

Les nuages montent.

Sur la montagne Unebi,

Les feuilles des arbres bougent :

L’orage va se déchaîner. 6

 

 

Le Kojiki est composé de 3 sections représentant les temps mythiques, héroïques puis historiques :

 

 

Le Kojiki insiste plus sur la mythologie, les légendes, les traditions que sur des  faits historiques, ce qui le différencie du Nihon Shoki 日本書紀15. La volonté du commanditaire était de "clarifier les fondamentaux de l'enseignement moral des empereurs". En réalité il s’agissait d’assurer la légitimité de la famille impériale en démontrant sa filiation directe avec la déesse solaire Amaterasu.


C’est finalement cette même démarche que suivra Musuhito 睦仁, l’Empereur Meiji 明治天皇16 qui se fait représenter, suite à la Restauration17, entouré des dieux mythiques.

 

 

 

Tu dis que tu ne pleures pas

Si, comme les oiseaux rassemblés,

Je joins le troupeau et pars,

Si, comme les oiseaux dirigés,

Je suis conduit au loin et pars...

Non, tu pencheras ta tête

Comme une seule fleur d'Eulalie sur la montagne

Et tes pleurs monteront vraiment

Comme la brume d'une ondée matinale ! 18


L’empereur Jimmu par Tsukioka Yoshitoshi 月岡吉年


Dans sa préface, Yasumaro précise l'origine du Kojiki, et les difficultés qu’il a rencontrées pour le rédiger.

Au milieu du VIIème siècle, l'Empereur Temmu 天武天皇19, contrarié de voir à quel point les traditions et les généalogies des clans étaient confuses, ordonna à Hieda no Are 稗田阿礼 d'apprendre par cœur le Teiki 帝記 (l'arbre généalogique de la famille impériale) 20 et

le Kyūji 旧辞21 (collection de mythes, légendes et chants des aïeux de la famille impériale).

Pour diverses raisons, dont le décès de Temmu, le projet avorta22 et, le 3 novembre 711, l'Impératrice Genmei donna l’ordre à Ō no Yasumaro de transcrire les faits mémorisés par Hieda no Are et de présenter la compilation, ainsi rédigée, à la Cour impériale l'année suivante.


L’empereur Temmu par Shūko Jisshu 集古十種

 

 

Le Kojiki est écrit en kanji (caractères chinois) mais, comme le Kyūji était en japonais (langue parlée, basée sur les sonorités, plus qu’écrite), Yasumaro, en écrivant les dires d’Are, a dû chercher un compromis pour transcrire en kanji des mots japonais, car n’existaient pas encore les syllabaires phonétiques. Il a donc utilisé les kanjis tantôt pour leurs sens tantôt phonétiquement. Ce mélange, qui a longtemps nuit à la compréhension du texte, a en revanche permis de conserver la transcription des termes archaïques.

 

 

La centaine de tanka est intégrée aux textes.

Basés sur les légendes et la mythologie, ils étaient narratifs. « Ils étaient faits pour être contés. Leurs expressions sont sobres, mais ardentes. » 23

 

De toute ma vie

Je n'oublierai la jeune épouse

Que j'avais prise pour dormir

Sur l'île où se posent les canards sauvages,

Les oiseaux de la pleine mer ! 24

 

 

La valeur du Kojiki est contestée : « Le Kojiki, si appréciable soit-il pour ses renseignements sur la mythologie, les moeurs, le langage et les légendes de l'ancien Japon, n'est qu'un piètre ouvrage, qu'on le considère comme œuvre littéraire ou comme recueil de faits. » 25

 

 

Okame26 par Kawanabe KYŌSAI 河鍋暁斎(1831-1889)

 

 

1. En 620, le prince-régent Shôtoku-Taishi et Sono-no-Umako ont écrit le premier livre d’histoire du Japon. Mais il fut détruit lors d’un incendie pendant la guerre qui opposait les clans Soga et Mononobe.

2. Ō no Yasumaro ( ? – 723) lettré de l’époque de Nara (710-794), considéré comme l’un des plus grands érudits de son époque.

3. L’impératrice Gemmei (661-721), 4ème fille de l’empereur Tenji 天智天皇, était aussi connue sous le nom d’impératrice Genmyō. 43ème gouvernante du Japon, elle était la cinquième femme à accéder au trône, qu’elle a occupé de 707 à 715. Avant son règne, elle se nommait Princesse Abe (ou Abe-hime)

4. Date transcrite selon les normes occidentales. En japonais, il s’agit du premier mois de l’an 5 de l’ère Wadō 和銅.Depuis l’empereur Meiji, il est de coutume de faire coïncider les dates d’une ère avec celles du règne de l’empereur, dont elle porte le nom posthume.

5. Première anthologie de poésie japonaise, datée de 760

6. Attribué à l’impératrice Isuki Yorihime qui alerte ainsi ses trois fils de l’intrigue menée par leur frère (né d’un second lit) pour s’emparer du trône.

Traduction Nagashima Hisayoshi (1960) Revue du Tanka interna-tional n°29

7. Les principaux étant ame no iwaya 天岩屋 (caverne dans laquelle se réfugia la déesse Amaterasu, pour échapper à la violence de son frère - Susanoo no Mikoto 須佐之男命, le dieu des tempêtes - plongeant le pays dans les ténèbres. Les Dieux organisèrent un banquet devant la grotte et Amaterasu, intriguée par le vacarme, sortit) et Tenson Kôrin 天孫降臨 (le mythe de la descente du petit-fils céleste dans lequel Amaterasu envoie son petit-fils Ninigi no mikoto 瓊瓊杵尊 régner sur terre, en lui offrant du riz à planter).

 

Découvre tes seins et danse

Pour faire sortir de la grotte

La curieuse Amaterasu.

 

René Druart in L'épingleur de haïkaï

 

8. ou Jimmu-tennō, nom posthume. Son nom civil est Kamuyamato Iwarebiko 若御毛沼命. Selon le Nihon Shoki, il vécut du 1er janvier -711 au 11 mars -585 et gouverna à partir de -660, date théorique8a de la fondation du Japon. Il est le petit fils de Ninigi no mikoto (voir note n° 7)

8a. Avant le 7ème siècle, les dates traditionnelles de la dynastie japonaise ne sont pas fondées sur des faits historiques. Elles ont même été gonflées (au risque de laisser des anomalies dans la chronologie des événements) afin d’allonger artificiellement l’existence de la Nation. Ce qui fait dire à  certains spécialistes que la fondation du Japon remonte aux premières années de l’ère chrétienne.

9. Amaterasu-ōmikami 天照大御神 est, dans le shintoïsme, la déesse du soleil. Ancêtre légendaire de la dynastie impériale, elle est le symbole du drapeau japonais.

Elle est aujourd’hui l’héroïne de nombreux jeux vidéo. Dans l’un des plus connus, Okami, elle est représentée en louve blanche.

10. Hondawake no Mikoto 誉田別尊品陀和気命 succède à l’Impératrice Jingū 神功皇后, sa mère (qui, en raison des dates incertaines – voir note n°8a – aurait porté l’enfant pendant 3 ans), en 270. Né en 210, il aurait régné jusqu’en 310 selon les légendes traditionnelles. Mais les chercheurs datent son règne de la fin du 4ème siècle.

11. de 250 à 538. Première composante de la période dite Yamato.

12. Le Prince O-Sasagi, né en 290, aurait régné de 313 à 399. 4ème fils d’Ōjin, il est le père des empereurs Richū 履中, Hansei 反正 et Ingyō 允恭, qui lui succèdèrent, dans cet ordre, de 400 à 453.

13. L’impératrice Suiko (554-628) était la 3ème fille de l’empereur Kimmei 欽明天皇. Elle fut la première femme à être nommée au rang suprême. Son règne dura de 593 à 628.

Avant d’être nommée impératrice, elle portait le nom de Toyomike Kashikiya hime no Mikoto, ou Princesse Nakutabe

14. de 538 à 710. Seconde composante de la période dite Yamato.

15. ou Chroniques du Japon, aussi appelé Nihongi (日本紀), il a également été compilé par Ō no Yasumaro, en 720. Au contraire du Kojiki, le Nihon shoki relate des événements historiques.

16.  122ème empereur de la dynastie (1852 – 1912). C’est sous son règne que le Japon va connaître de profonds changements : fin de l’isolationnisme, extension de l’Empire, modernisation du pays, …

17. Le 9 novembre 1867, Tokugawa Yoshinobu (徳川 慶喜), le 15ème shōgun 将軍, (le dirigeant de fait du pays, l’Empereur n’étant que le gardien des traditions) du clan Tokugawa (qui régna sur le Japon depuis 1603) reconnaît à l’empereur le droit de gouverner. Le 3 janvier 1868, l’Empereur annonce la restauration de ses pleins pouvoirs.

18. Poème de l'Empereur Soukouna quittant l'Impératrice Yakami.

Traduction de Yamata, Kikou (1924). Sur des lèvres japonaises. Paris: Le Divan

19. Prince Ō-ama, né en 622, est le frère cadet de l’empereur Tenji 天智天皇. Celui-ci n’ayant pas de descendance,  Ō-ama est le prince héritier jusqu’au jour où son frère veut faire du Prince Ōtomo (né en 648, fils d’une concubine impériale Yakako Iga no Uneme) son héritier. En 671, Ō-ama abandonne, pour sa sécurité, son titre de prince héritier et se retire dans les montagnes, à Yoshino, pour devenir moine. Mais en 672, à la mort de son frère, il affronte son neveu (le prince Ōtomo, devenu l’empereur Kōbun, dans la guerre de Jinshin 壬申の乱, Jinshin no Ran). Son neveu, vaincu, se suicide et Ō-ama est proclamé 40ème empereur du Japon. Il régna de 672 à 686 sous le nom d’Empereur Temmu.

20. Le Teiki relate également quelques faits marquants de chacun des règnes.

21. est aussi connu sous les noms de Honji (本辞, Honji) ou Sendai Kyūji (先代旧辞, Sendai Kyūji)

22. Un autre projet fut également abandonné : celui commandé à Omiwa par l’Impératrice Jitō, en 692.

23. Nagashima Hisayoshi (1960) Revue du Tanka international n°29

24. Tanka du Prince Feu-Baissant, extrait d’une légende du Livre 1er

Traduction de Revon, Michel (1910). Anthologie de la litterature japonaise: Des origines au XXe siecle. Paris: Ch. Delagrave

25. Aston, W. G., & Davray, H.-D. (1902). Littérature japonaise. Paris: Colin

26. Devant la grotte où Amaterasu s’était enfermée (voit note n°7), Okame, déesse shintô Uzume no Mokami, exécuta une danse burlesque durant laquelle ses vêtements tombèrent. Provoquant ainsi l’hilarité des dieux, elle piqua la curiosité d’Amaterasu qui finit par sortir.

 

 





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