Hérité de la poésie chinoise du 1er millénaire, le tanka est une œuvre individuelle
composée de deux parties de 17 et 14 onji chacune. «
Ils sont souvent des poèmes d’amour,
ou de nostalgie, ou des souvenirs de voyages et d’itinéraires … » nous dit Maurice Coyaud
Le bruit de la cascade
A cessé depuis longtemps
Et pourtant
Son renom a suivi son cours
On l'entend encore.
Dainagon Kintô
Les poètes japonais se regroupaient fréquemment pour des séances d’écriture.
Ils écrivaient alors des suites de tanka, appelées renga (poèmes liés). Les plus célèbres,
traduites en français, sont celles composées par Bashô et son école, des rengas de 36 versets
intitulés kasen.
Le premier verset du renga, au rythme de 5, 7 et 5 onji, est appelé hokku. Dans un renga,
les versets, qui par intermittence sont de 17 ou 14 syllabes, sont liés entre eux. Ainsi le wakiku,
second verset de renku, vient compléter le hokku. Et le daisan, troisième verset, est lié au wakiku.
Le hokku reste cependant autonome et, dans le Japon du XVI° siècle, des auteurs se sont spécialisés
dans son écriture si bien que, progressivement, ce hokku devint un poème indépendant du renga.
Il fut par la suite débaptisé pour devenir le haïkaï.
Cette initiative est attribuée à Bashô (1644-1694) reconnu par tous comme le père du haïku.
Parce qu’il a renouvelé le genre : « Le poète prouve que le poème court,
le haïku, est un art à part entière qui peut faire miroiter toutes les facettes de l’existence
humaine et de l’univers. » écrit Alain Kervern ; Parce qu’il a réalisé une synthèse
des deux théories en vigueur au XVII° siècle :
- l'une, l'école Danrin, préconisait une totale liberté
- l'autre, l'école Teimon, voulait que le haïku soit inscrit dans la tradition poétique, et de fait, n'aborde pas n'importe quel sujet ou n'utilise pas n'importe quel langage.
Depuis Bashô, de nombreux maîtres se sont succédés. Parmi les plus célèbres,
citons Chigetsu-ni, Buson, Issa, Shiki, Hosai, Kyoshi, Shûôshi. Chacun influença
de ses idées l’écriture du haïku.
Bashô Matsuo (1644-1694) cherchait l’inspiration dans la nature créatrice.
Pour lui, le haïku était le point de jonction entre l’éphémère et l’éternel.
le pont suspendu
enroulés à nos vies
les lierres grimpants
Chigetsu-ni (1622-1708), disciple de Bashô, était considérée comme la meilleure
femme poète du Shômon (l’école de Bashô).
le rossignol !
mes mains au-dessus de l’évier
s’interrompent
Buson Yosa (1716-1783) écrivait une poésie encore plus dépouillée.
Aucune réflexion ne transparaissait. L’image était là, brute de toute interprétation,
mais ô combien importante.
aux poils de la chenille
on devine que souffle
la brise matinale
Issa Kobayashi (1763-1827), proche du haïkaï originel de l’école de Danrin, laissait libre
cours à son imagination et a introduit l’humour, la dérision dans ses haïkus.
la flopée de mouches
échappe à ses claques
ah ! cette main ridée
Shiki Masaoka (1867-1902), à l'origine du terme haïku qu'il a composé à partir des mots
haïkaï et hokku, insistait sur le croquis d’après nature (shasei) et la description
de ce qui est (ari no mama ni utsusu), concepts qu’il a découverts dans le réalisme
pictural occidental.
je fixe un long moment
mon ombre
le cri des insectes
Hôsai Ozaki (1885-1926) a longtemps été attaché aux poètes de la Nouvelle Tendance (groupe fondé
par son ami Seisensui) qui prônaient l'abandon des contraintes (métrique, kigo) au profit de la
forme libre, et privilégiaient la transcription de l’instant.
solitude
j’écarte mes cinq doigts
histoire de voir
Kyoshi Takahama (1874-1959) préconisait de « chanter les
fleurs et les oiseaux », c’est à dire d’admirer la nature et de dégager de toute
scène les liens étroits qui existent entre l’être humain et la nature.
Déjà je l’imagine
tombant sur mon cadavre –
la neige
Shûôshi Mizuhara (1892-1981) prônait un haïku traditionnel
de forme mais moderniste dans ses thèmes et dans son esprit, c'est-à-dire qu’il pouvait
être un pur produit de la mémoire et de l’imagination.
Devant les chrysanthèmes
ma vie
fait silence
C’est à l’époque de Kyoshi TAKAHAMA que les échanges culturels entre l’Orient
et l’Occident se sont accélérés.
Le haïku devient progressivement un art universel...